Taxonomie verte
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[Décryptage] Mieux comprendre la taxonomie verte et ses enjeux

Depuis le début de l’année, on entend régulièrement parler de la taxonomie européenne. Un point spécifique alimente les débats et attire l’attention des journalistes : la prise en compte du gaz et du nucléaire comme énergie de transition.

Mais qu’est-ce-que la taxonomie ? Quelle est sa finalité ? Pourquoi génère-t-elle des prises de position et des divergences fortes selon les États membres de l’Union européenne (UE) ? Quel est son impact sur le secteur du gaz ?

Le 31 décembre, la Commission européenne a finalement intégré le gaz et le nucléaire à son projet de texte sur la taxonomie européenne. L’institution a transmis le texte aux États membres et commencé la consultation des experts sur la finance durable. Ils avaient jusqu'au 21 janvier pour apporter leurs contributions. La Commission les analysera et adoptera l'acte délégué avant la fin du mois, puis le soumettra au Parlement et au Conseil européen. Le texte pourrait être définitivement adopté dès cet été.

Qu'est-ce que la taxonomie ?

En réalité, la taxonomie est la science des classifications. Pour Bruxelles, il s’agit de classifier les activités économiques des entreprises au regard de leurs impacts environnementaux.

Cette classification, lancée par la Commission européenne en 2018, se trouve donc au cœur de la stratégie de l’Union européenne en matière de finance « durable ». Il s’agit bien d’un enjeu financier puisque sans elle, il sera plus compliqué et plus onéreux de financer ses activités.

L'importance de ce nouvel outil européen pour le financement des investissements publics et privés sera d’autant plus élevée que le monde dans lequel nous évoluons se rapprochera de la neutralité carbone.

Alexis Masse, délégué stratégie de GRDF

Très attendu par les États membres, Bruxelles a dévoilé le 31 décembre dernier, un projet de texte complémentaire à celui partagé en juin 2021. Il s’agit d’un projet réglementaire complexe, ambitieux, dont les modalités d’application seront multiples. 

En 2021, la taxonomie européenne concerne plus de 90 activités économiques dans l'UE. Aujourd’hui, on peut considérer que 2 à 3 % des investissements réalisés par les entreprises francaises du CAC 40 sont des activités « durables » au sens de la taxonomie. 

Quels sont les critères d'une activité "verte" ?

Le texte fondateur de la taxonomie, un règlement, a été adopté dès l’été 2020. Concrètement, pour que l’activité économique d’une entreprise soit considérée comme durable et puisse être intégrée (ou pas) à la taxonomie verte de l’Union européenne, elle doit apporter une « contribution substantielle » en prenant en compte au moins l’un des six critères du règlement :

  • atténuation du changement climatique ;
  • adaptation au changement climatique ;
  • utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines ;
  • transition vers une économie circulaire ;
  • contrôle de la pollution ;
  • protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Une activité qui coche l’un de ces objectifs ne doit pas porter préjudice aux autres de la liste.

Les investissements associés aux énergies renouvelables électriques (éoliennes ou solaires) sont « labellisés » verts par la Commission européenne. Il en est de même pour les gaz renouvelables (sites de méthanisation et extensions de réseaux nécessaires à leur raccordement).

Jean-Marie Gauthey, chargé des affaires européennes à la direction de la stratégie de GRDF

Le gaz et le nucléaire des énergies "vertes" ?

Le communiqué de la Commission européenne est clair : « Compte tenu des avis scientifiques et des progrès technologiques actuels, ainsi que de la diversité des défis liés à la transition auxquels sont confrontés les États membres, la Commission estime que le gaz naturel et le nucléaire ont un rôle à jouer pour faciliter la transition vers un avenir essentiellement fondé sur les énergies renouvelables ».

Cette reconnaissance est soumise à des critères exigeants, le gaz étant notamment vu comme une manière, pour le système électrique, de sortir rapidement et de façon sécurisée du charbon. Ainsi, l’utilisation du gaz pour produire de l’électricité devra respecter un seuil de 100 g de CO2e/kWh. Mais les centrales à gaz ayant obtenu leur permis de construire avant 2030 pourront profiter d’un niveau d’émissions plus élevé sous certaines conditions (passer à des gaz renouvelables ou à faibles émissions de carbone avant 2036, remplacer une centrale existante très polluante, etc.).

Quant au nucléaire, il est inclus indirectement dans la catégorie des activités de transition avec plusieurs critères : les centrales doivent avoir un permis de construire avant 2045 et le prolongement des réacteurs déjà en place devra être lancé avant 2040. Des plans en matière de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement doivent par ailleurs être prévus.

Pourquoi ces débats autour du gaz et du nucléaire ?

Le débat sur la taxonomie s’est cristallisé autour du secteur électrique en raison des spécificités des systèmes énergétiques des Etats membres. La France, premier pays producteur d’électricité nucléaire en Europe, a particulièrement œuvré pour inclure cette énergie dans la taxonomie. Définir le nucléaire comme une énergie verte était un enjeu politique majeur, le gouvernement français ayant annoncé en fin d’année dernière la relance d’un programme pour la construction de nouveaux réacteurs.

Le gaz, lui, est essentiel à la production d’électricité en Allemagne, le pays ayant établi la fermeture progressive de ses centrales nucléaires et thermiques à charbon.

Sans nouveau texte au 31 décembre 2021, l’Allemagne comme la France auraient pu activer leur droit de veto et rendre caduc l’ensemble du texte consacré à la taxonomie. C’est donc un compromis politique qui a abouti à la reconnaissance de ces deux énergies dans la taxonomie verte.

C'est quoi une énergie de "transition" ?

Dans la classification retenue par la Commission européenne, une activité économique  émettant plus de 100 g de CO2e/kWh est considérée comme « verte » , lorsqu’elle vient en remplacer une autre au bilan carbone plus élevé parce qu’elles sont alors vues comme nécessaires dans la transition vers une économie neutre en carbone.

Quelle est la position des distributeurs de gaz ?

Gas Distributors for Sustainability (GD4S), est une association créée en janvier 2019 réunissant les opérateurs de réseaux de distribution de gaz de 7 Etats membres de l’UE (28 millions de clients, soit 30 % du marché européen du gaz), dont GRDF est membre fondateur. L’association s’est mobilisée pour la reconnaissance du gaz dans la taxonomie verte, découvrez leur réponse à la consultation publique de la Commission européenne : EU Taxonomy - GD4S - Gas Distributors for Sustainability

Quelles sont les prochaines étapes pour l'adoption de la nouvelle taxonomie ?

Les États membres avaient jusqu'au 21 janvier pour apporter leurs contributions. Ensuite, la Commission européenne les analysera et proposera l’amendement à l'acte délégué avant la fin du mois.

Le texte sera alors transmis au Parlement européen et au Conseil européen, qui disposeront de quatre mois pour exprimer d'éventuelles objections. Une prolongation de deux mois peut être demandée. En l'absence d'objection, l'acte délégué entrera en vigueur et s'appliquera.

Le but de l’Union européenne : aller vite pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La taxonomie va agir comme un véritable tournant pour les entreprises et les organisations publiques. Pour schématiser, si ces dernières ne sont pas alignées avec la taxonomie européenne, l’accès aux financements sera plus compliqué et plus cher. Ce texte deviendra un véritable descriptif des impacts environnementaux des entreprises à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’Europe. Mais comment leur faire respecter ces règles ? Tout d’abord parce que l’Europe encadre et autorise une grande partie des aides publiques. Mais ce n’est pas suffisant. Bruxelles a décidé d’impliquer directement les organismes de financement en prenant en compte l’empreinte carbone des entreprises avant d’accepter tout financement.

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GRDF - Chiffres clés

Sites de méthanisation en injection

673

dont raccordés au réseau GRDF

561

Capacité totale installée de biométhane

12,1TWh/an

Equivalent logements neufs chauffés

3 031 250

Période de référence : mars 2024